Au P’tit Bar
Agnès Bilh, Nathalie Miravette, Bernard Joyet :
Incomparable trio pour un
double triomphe.
Il est extrêmement rare que deux soirées sandwich, lancées dans la
poursuite incontrôlable des jours, s’unissent pour saluer l’avènement d’un
nouveau cycle imposé par l’existence.
Ce fut pourtant le cas, les vendredi 27 et samedi 28 janvier au P’tit
Bar de Saint-Ouen d’Attez, pour offrir ces soirées pain béni à un auditoire
ravi, enthousiaste, conquis. Ce fut un double triomphe, une large victoire
souriante sur la bêtise, l’absurdité et la cécité du cœur.
L’ex et modeste classe unique de l’école de Saint-Ouen d’Attez,
disparue à la fin du siècle dernier en raison de l’incompréhension, de la
démission des hommes, fut heureusement transformée et sauvée du naufrage par la
foi dans l’action, l’intelligence et l’esprit de résistance d’une poignée
d’habitants du village unis face au désastre programmé.
Devenu aujourd’hui le chaleureux lieu culturel que l’on connaît, et où,
chaque mois, les spectateurs se précipitent pour savourer de délicieux
cocktails spectaculaires réconfortants, qui répandent la joie et la raison de
vivre, l’école-café est devenue un appréciable
point de rencontre.
Pendant ce long week-end, chacun avait soif de se désaltérer à cette
source rare, et Agnès Bihl elle-même, en ouvrant son tour de chant, avoua
qu’elle avait soif. Soif de « Champagne » d’élégance qu’offre la vie, même si
celle-ci ne propose bien souvent que de tristes agapes.
Agnès Bilh, la révolte du talent.
Silhouette moulée dans un fourreau ébène, jambes et bras gaînés de
dentelle noire, l’artiste, avec son visage d’ange encadré par la moisson blonde
de ses longs cheveux jouant sur ses épaules, illumine de sourires taquins ses
textes où les mots, chargés d’émotion, se poursuivent, se bousculent, vivent
avec la frénésie de la jeunesse. Servies par une voix mélodieuse et affirmative,
ses phrases soulignent l’espoir souvent déçu mais qu’il faut néanmoins se
dépêcher de partager.
Lors de sa première venue au P’tit Bar, la tornade tonifiante Agnès
avait offert beaucoup de promesses. Pour ce retour, elle a confirmé. Et pendant
ces deux soirées exceptionnelles, emboîtant le pas à ses complices du week-end,
elle se hissa à leur hauteur.
Et puis au milieu de ce récital de faits de vie, un éclair de génie et
de grande tendresse : « La plus belle c’est ma mère ». Une pieuse appréciation
remplie de vénération pour celle qui lui donna la vie, la vie dont elle retient
la leçon. Exploit d’autant plus à admirer, lorsque l’on sait que l’artiste
venait d’accompagner, récemment, cette maman pour son voyage sans retour.
Chapeau l’artiste !
Nathalie Miravette :
le nectar gouleyant des notes.
Nathalie a donné depuis longtemps déjà la preuve de l’étendue de sa
virtuosité. Sous ses doigts, les notes glissent comme l’eau calme de l’Iton
tissant un lien d’amitié de Francheville à Saint-Ouen-d’Attez, se précipitent
en torrent de précision. Les mélodies de Nathalie deviennent alors les mille
bulles de champagne qui cascadent en se précipitant du haut des pyramides de
verres lors des cérémonies de mariage.
La musique de Nathalie, plus que rafraîchissante, bonifie, baptise,
inonde, baignant à la fois l’âme et le cœur d’un bien-être fou. Elle
réconforte, guérit mieux qu’un médicament.
L’œil faussement étonné de l’artiste, sa fougue dominante, son
attention aux aguets jamais prise en défaut guident ses camarades complices
tout au long du spectacle avec la douceur d’un dictame.
Et puis, Bernard Joyet vint…
Fidèle à lui-même, celui, qui apparaît dans son habit noir, col de
chemise blanche ouvert sur la poitrine où résonnent les battements de son cœur
en éveil, a offert, pendant deux soirs, le festival endiablé de ses
mots-aimants, qui riment, jouent entre eux, se cherchent, se bousculent, se
révèlent pour offrir ce langage délicat et séduisant que l’on souhaite
découvrir à chacune de ses prestations.
La besace pleine de ses chefs-d’œuvres anciens (Le gérontophile, La
bible, La maladie, Ado, L’heure du leurre (ce dernier revisité), de récentes
trouvailles, Le pont Mirabeau personnalisé, Y a plus de saison, Maria
repassait, Sur la pointe du cœur), il continue de tracer, solitaire, son
sillon, après avoir poussé la gageure jusqu’à écrire « La chanson du Silence »,
jusqu’au moment où ce silence…s’honore).
Puisant dans la même veine, saupoudrant d’humour, de sourires entendus,
ses réflexions séduisantes tirées des profondeurs, il mérite aujourd’hui de
rejoindre cette brillante famille des chanteurs inoubliables et des grandes
voix chargées du bon sens tant apprécié, ambassadeurs de notre si jolie langue.
Cette famille qui se transforme aujourd’hui en musées où plane l’ombre
sonore des Jean Ferrat, Léo Ferré, Maurice Fanon, Jean-Roger Caussimon, Henri
Tachan, Lény Escudéro et le délicat Pierre Louki, tous audacieux.
Bernard Joyet, lui, poursuit sa route, éclairant et réjouissant raison
et cœur. Et chacun de se demander aujourd’hui, comme le peintre poète Michel
Van Hamme : « Y avait-il un Joyet avant Joyet ? ».
Il reste à souhaiter à l’ami Bernard « de continuer de sourire à la
fortune tant qu’il lui restera des mots ».
Autant pour sa joie profonde que pour celle de ses nombreux admirateurs
séduits et complices.
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