Le billet de Raymond - Gaëlle Vignaux

Le P’tit Bar de Saint Ouen d’Attez, haut-lieu
de la résistance à la barbarie sanglante

     Au moment où Paris, touché en plein cœur pleure sa jeunesse fauchée par l’absurdité ignorante d’un groupe imbibé par une religion frelatée; à l’instant où la capitale fait le pari, sans faiblesse, de pouvoir vivre ensemble dans la paix et le respect de l’autre, le P’tit Bar de Saint Ouen d’Attez a choisi lui aussi la voie de l’espoir et de la volonté de rester debout face à la cruauté barbare.

     Après le souhait officiel de la Préfecture, au lendemain de l’atroce et mémorable vendredi 13, de conseiller l’annulation des spectacles et des manifestations, la tristesse était soudainement devenue générale.
     Programmée dans le cadre du Festival Chants d’Elles le samedi 14 novembre, l’artiste Gaëlle Vignaux, les responsables de Saint Ouen Animation, le public, tout le monde, d’un commun accord n’avaient plus la volonté d’offrir dans la foulée ce spectacle. Un temps très court de reprise des esprits était nécessaire. Reprogrammée pour le samedi 28 novembre, cette soirée s’est tenue à guichets fermés dans une communion remplie de ferveur.
     Sur scène, le sigle de paix dessiné entre deux phrases volontairement déterminées : Tous ensemble pour Paris - Un pari : vivre tous ensemble. Et d’entrée, Patrick, le maire, a entonné, avec force, tel un hymne, l’inoubliable chanson de Jacques Brel « Sur la place », tandis que Manu son complice, Simon le dévoué technicien son et lumière, tous deux «  armés » de guitares, ont accompagné dans un bel ensemble le chanteur convaincu, devant un public enthousiaste et recueilli dans un silence fraternel et spontanément partagé.

Gaëlle Vignaux et ses deux musiciens :
Un grand bonheur !

     Et puis Gaëlle Vignaux a fait son apparition. Quelque peu en retard, elle a rejoint ses compères, décontractée et sans chichi. Vraie. Queue de cheval sauvage, frange indisciplinée sur le front surlignant deux grands yeux assoiffés de découvrir le monde, elle conte sur le ton de la confidence les raisons sanitaires et électriques de son léger retard.
     Et puis elle rentre dans le vif de son tour de chant avec «La moche», chanson où elle révèle sa quête pour devenir belle et célèbre, acceptant pour le devenir le conseil donné par sa maman présente dans la salle ce soir là : « Sourire !».
     Blue-jean, tee-shirt sombre, veste picorée de lumière, elle se lance dans un répertoire de scènes concoctées à son image : simples mais riches de générosité révélée. Ce petit bout de femme énergique s’engage dans un combat franc et direct sur un ring tissé avec talent par ses deux amis musiciens, Stanislas Augris qui caresse sa batterie avec un doigté de nourrice attentive et Benjamin Lehérissey qui tire de sa guitare la note juste habillant les mots choisis de Gaëlle. Et quels mots ! Car cette maman d’un petit Sacha suit la voie des auteurs qui ont choisi de tricoter dans l’ombre, loin des sunlights de la télévision, des textes et des harmonies qui vous rendent meilleur quant ils caressent vos yeux et vos oreilles. Entre rêve et réalité, espoir et désillusion, elle refuse d’être le criminel qui tuera un jour le père Noël brisant du même coup la légende trompeuse inventée pour bercer de joie offerte les enfants.
     Elle pousse la porte du « Bar des Amis » de la cité Thorez à Malakoff où elle a grandi, et ce petit Poulbot révèle ses trouvailles passées au lubrifiant de l’amitié, à la manière d’une Anne Sylvestre ou d’un Bernard Joyet, ses grands yeux scrutant la nuit de la salle où tapis dans le noir les spectateurs tentent d’échapper à la sombre réalité, savourant cet instant de plaisir partagé mais souvent trop rare. Un instant qui a eu le mérite, samedi, de rappeler avec force que la vie demeure une belle aventure pour peu que les rencontres s’effectuent dans un climat de totale confiance et de mutuelle solidarité.

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